Reprise des activités: Votre lieu de travail est prêt à vous accueillir?
Lorsque les employés d'une usine de production ont repris le travail après le confinement, ils ont signalé plus d'accidents qu'auparavant.
Après enquête, les responsables de service sont arrivés à un constat quelque peu surprenant : pendant cette période d'absence forcée, de nombreux employés avaient tout simplement oublié les règles de sécurité pour l’utilisation de leurs équipements.
Alors que des millions de personnes retournent dans les usines, les bureaux, les boutiques et autres lieux de travail, la santé au travail va être plus importante que jamais - et les dangers ne sont pas toujours ceux qui sont les plus visibles. Alors comment les employeurs doivent-ils gérer un retour au travail en toute sécurité ? Quels sont les défis et les opportunités qu'ils doivent prendre en compte ? Maintenant que l’on parle de travail hybride, quelle est la nouvelle définition du lieu de travail ?
Garantir une reprise en toute sécurité
« N’agissez pas dans l'urgence. Prenez le temps de vous préparer », voilà ce que conseille Ivan Ivanov, responsable de la santé au travail et sur le lieu de travail à l'Organisation mondiale de la santé. « Le virus pourrait bien être parmi nous pour un certain temps encore, alors envisagez des solutions hybrides où certains employés reviennent plus tôt que d'autres ».
Une approche plus lente, par étape, pourra encourager la prise de distance physique et permettra d’accepter que certains jours de travail puissent être perdus lorsque des personnes attraperont le virus ou seront cas-contact et devront s'isoler. Cela évitera surtout que les employés puissent penser que le retour au travail signifie que le risque est derrière eux.
En réalité, nos recherches sur la santé et la sécurité au travail, à l’échelle mondiale, révèlent que plus de la moitié (55 %) des employés sont inquiets pour leur santé et leur sécurité sur leur lieu de travail ou lors de leur retour au travail.[1] Parmi les ouvriers, plus de 40 % souhaitent recevoir beaucoup plus d'informations de la part de leur employeur sur l'hygiène et la propreté du lieu de travail (44 %) et les mesures prises pour assurer la sécurité des salariés (43 %).[2]
Le processus de prise de décisions relatives au lieu de travail pendant cette période sera crucial pour assurer leur efficacité. Garantir la sécurité lors du retour au travail dépendra de l’implication des employés car les procédures relatives à la sécurité ne seront vraiment efficaces que si les employés les comprennent. La meilleure façon d'y parvenir est d'impliquer les employés dans le processus, dès le départ.
« En revanche, si vous prenez des décisions entre vous, sur la base de critères commerciaux ou logistiques que les employés ne connaissent ou ne comprennent pas, vos procédures ne seront pas crédibles et perdront toute efficacité ». Faire participer les employés au processus leur permettra de faire vous faire part de leurs inquiétudes, sans pour autant être blâmés.
Communiquer devient une mesure sanitaire
L'usine qui a signalé une augmentation des accidents n'était pas un cas isolé. « Certains collaborateurs ont perdu leurs réflexes de sécurité pendant la pandémie, car les opérations se sont arrêtées ou ralenties », explique Philippe Casgrain, Vice-Président monde pour le FM et la Santé et Sécurité chez Sodexo. « C'est une des raisons pour laquelle il peut y avoir plus d’accidents qu’avant. Nous devons mettre davantage l’accent sur le rappel des procédures et nous devons nous assurer que tous ont les bons outils pour travailler en toute sécurité ».
Lorsque les employés reprendront le travail, ils auront tous leur propre idée de ce qui est approprié en termes de distance physique, de masques et de désinfection des mains et des surfaces. Cela entraînera inévitablement un peu de gêne et des désaccords. C'est là que des politiques claires seront cruciales : non seulement elles réduiront les tensions sur le lieu de travail, et qui rendent les entreprises moins efficaces, mais elles contribueront également à préserver la confiance et à maintenir l'implication de tous.
Plus vous serez clairs, mieux ce sera. Par exemple, si le port du masque est obligatoire, la règle s'applique-t-elle dans les bureaux individuels comme dans les espaces partagés ?
La santé mentale doit être une priorité
La pandémie nous a rappelé l'importance de la santé mentale. La fatigue des vidéoconférences, les longues heures de travail à distance, l'isolement des collègues et l'incertitude liée aux plans sociaux et à l'insécurité économique sont autant de facteurs qui contribuent à l'anxiété et à l'épuisement professionnel.
« Les entreprises doivent absolument envoyer un message clair pour ouvrir les discussions sur ces questions », dit Ivanov. « Il ne faut pas hésiter à contacter son patron et à lui dire : « Je ne me sens pas bien ». Ils ont le droit de ne pas aller bien et de me dire ».
Les employeurs les plus à l’avant-garde sont proactifs.
« J'ai moi-même fait face à un burnout professionnel en novembre dernier », déclare Ivanov. « Heureusement, grâce à ma formation de médecin, j'avais l'expertise nécessaire pour le détecter rapidement et j'ai cherché une aide professionnelle ». Après cette pandémie, les employeurs devraient pouvoir apporter ce soutien et montrer qu'ils sont attentifs ».
Repenser le lieu de travail
Avant la pandémie, la santé au travail avait une définition bien claire. Mais est-ce autant le cas aujourd’hui, sachant que de plus en plus de personnes ont changé de lieu de travail ? Quelle est la vraie portée de la « santé au travail » ? S'applique-t-elle uniquement dans le lieu où les employés travaillent ensemble, ou, de manière générale, dans tout lieu où le travail est effectué ?
« La définition du lieu de travail doit changer », déclare M. Ivanov. « Nous devons réfléchir à comment les employeurs peuvent soutenir leurs collaborateurs lorsque ceux-ci sont en télétravail, quel que soit le lieu d’où ils travaillent ».
Comprendre d’où travaillent vos collaborateurs est une condition requise pour comprendre ce dont ils ont besoin pour travailler en sécurité et en bonne santé. Le télétravail peut entraîner des problèmes physiques, par exemple lorsque les employés ne disposent pas de l'installation ergonomique dont ils auraient pu bénéficier dans un bureau. « En ce qui me concerne, raconte M. Casgrain, je suis allé voir mon médecin pour un problème de dos. Et elle m'a dit que depuis la pandémie, elle remarquait un accroissement considérable de symptômes similaires ».
En réponse, certaines entreprises avant-gardistes offrent des remboursements pour permettre aux travailleurs d'adapter leur environnement domestique afin qu'ils puissent travailler plus efficacement et confortablement. Cela peut prendre la forme d'un écran plus grand, d'un bureau et d'une chaise ergonomique. « Cela peut même signifier déménager dans un appartement plus grand avec un espace de travail dédié », explique M. Ivanov.
M. Ivanov ne s’attend pas à ce que tous les employeurs envisagent déjà ce type d'aide. L'éventail des questions que les professionnels de la santé au travail pourraient envisager pour préserver la santé de leurs employés est susceptible de s'élargir à mesure que le télétravail devient la nouvelle norme.
Se préparer aux prochaines crises
« Une fois que les responsables de la santé au travail se seront penchés sur les risques liés aux lieux de travail traditionnels ainsi qu’au retour au travail, ils devront réfléchir aux prochains protocoles », déclare M. Ivanov.
Tout comme les exercices d'incendie rappellent aux employés que le feu est une menace possible et leur apprennent comment réagir, les entreprises doivent avoir un plan en place pour le cas où une nouvelle maladie infectieuse se déclarerait. Cela peut impliquer des protocoles de sécurité, des contrôles de température et la planification d'une transition en douceur vers le télétravail.
Pour une époque qui a illustré de manière spectaculaire la dépendance entre la santé au travail et la capacité des entreprises à réaliser des bénéfices, la santé au travail constitue un risque critique pour l'entreprise. Pour autant, seuls 15% des employés dans le monde travaillent dans des sociétés qui proposent des services professionnels de santé au travail. Selon M. Ivanov, en confier la responsabilité à une personne dédiée et qui possède des connaissances techniques de base en matière de santé au travail, est une bonne première étape. « Pour les petites entreprises, cette personne peut être un consultant externe », dit-il.
« Les entreprises se rendent compte que les plans de continuité des activités ne peuvent pas se limiter au maintien de la production et des services, mais qu'ils doivent également garantir que nous ne tomberons pas malades », ajoute M. Ivanov. « Cela signifie qu’être expert en matière de santé est désormais un facteur de réussite essentiel pour toutes les entreprises. La santé au travail pour tous et partout devra être la nouvelle normalité ».
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[1] Harris Tracker, Wave 4 Study – October 2020
[2] Ibid